- Tout doux, demoiselle Ranâ! dit le Corbeau. Il ne faut pas s’emporter pour un rien. Je vois que tu as un tempérament plutôt impulsif; tu es prête à bondir sur tout ce qui bouge! Et je te dirais... que ce n'est pas pour me déplaire, ajouta-t-il d'un ton charmeur.
L'alcool lui avait monté à la tête. Il ne semblait pas aussi alerte que le matin et ses traits étaient avinés. Il se secoua un peu et reprit une apparente lucidité.
- Bon, assez bavassé, reprit-il. Allez, suis-moi! C'est à l'étage. Il n’y a aucun leurre que tu ne puisses détecter par toi-même.
Sur ce, l'homme appelé le Corbeau se leva et se dirigea vers les escaliers, suivi de Ranâ. Il marchait avec légèreté, bercé par les douceurs de l'ivresse. Ranâ le suivait avec une certaine appréhension en se demandant s'il ne jouait pas un peu la comédie. Et puis, était-il vraiment fiable? Certaines têtes se tournèrent à leur passage en murmurant.
Ils gravirent les marches grinçantes et s’arrêtèrent devant la porte du fond.
- C'est ici, dit le Corbeau.
Il cogna trois coups secs, puis deux coups plus lents. Il obtint une réponse et la porte se déverrouilla, puis s'ouvrit, découvrant une chambre baignée d'une inquiétante noirceur. La pièce n'était éclairée que par quelques bougies réparties ici et là. Une chaude atmosphère se déversa sur le palier. L'intérieur silencieux semblait vide, mais des silhouettes fugitives se dessinaient tels des spectres. Dans un coin, une lueur rouge intermittente semblait flotter. Assis sur une chaise, se trouvait un homme portant une barbe épaisse et un tricorne. Il fumait la pipe.
Le Corbeau s'inclina exagérément en montrant l'intérieur de la chambre à Ranâ.
- Voici le capitaine Ecuador.